Trois plongeurs sauvés de nuit par la SNSM

Trois plon­geurs et leur bateau support se perdent en mer après une plon­gée de nuit facile (- 28 m) sur l’épave de la frégate « Laplace », coulée en 1950 par une mine alle­mande oubliée. Ils sont tirés d’af­faire par les Sauve­teurs en Mer au terme d’une longue dérive.

Épave de la frégate Laplace
Trois plongeurs ont été séparés de leur canot pneumatique alors qu'ils visitaient l'épave de la frégate "Laplace", coulée en 1950 en face de la pointe La Latte © Loïc Gilbert

Le pneu­ma­tique de type Commando C4 le Dawen attend ses plon­geurs près de la bouée qui, à 1 mille envi­ron en face de la pointe La Latte, marque l’épave de la frégate météo Laplace, coulée dans des circons­tances tragiques cinq ans après la Seconde Guerre mondiale par une mine alle­mande oubliée. Aux commandes de ce flot­teur de 4,30 mètres, son skip­per aperçoit sa palanquée. Il met les gaz dans leur direc­tion. Aussi­tôt, son arbre d’hé­lice se prend dans la ligne de mouillage, qu’il n’a pas rele­vée. Alors que la nuit est déjà instal­lée ce 15 mars 2022, c’est le début d’en­nuis en cascade. L’homme comprend vite son problème, mais libé­rer le mouillage néces­site toute une acro­ba­tie : il est frappé sous étrave à côté de l’an­neau de remorquage. Le support est à l’ar­rêt, tandis que la palanquée, entraî­née par un puis­sant courant, dérive vers le cap Fréhel. En quelques minutes, le Dawen, piégé, perd de vue les plon­geurs dont il a la garde. L’eau est à 8 °C. Même proté­gés par leurs combi­nai­sons Néoprène® de 8 milli­mètres, les trois plon­geurs, déjà usés par leur expé­di­tion à 28 m de fond, sont expo­sés aux dangers réels d’une hypo­ther­mie. Le skip­per réalise la gravité de la situa­tion. Compli­ca­tion supplé­men­taire : il n’a pas de feux de posi­tion ; les trois hommes à la mer ne peuvent le voir. Lui-même est trop bas sur l’eau pour avoir une chance de les aper­ce­voir, têtes toujours plus minus­cules entre les vagues. Alors, il a le bon réflexe : appe­ler les secours. Curieu­se­ment, il joint les pompiers, qui aver­tissent le CROSS. Il est presque 21 heures.

La frégate météo Laplace
La frégate météo Laplace a été coulée en 1950 par une mine alle­mande oubliée © D. R

La côte défile lente­ment, proche mais inat­tei­gnable

L’of­fi­cier de garde accepte l’en­ga­ge­ment de deux semi-rigides pompiers : les bateaux légers de sauve­tage (BLS) Émeraude et Erquy, et approuve le prépo­si­tion­ne­ment d’un VSAB (véhi­cule de secours médi­ca­lisé) à Saint-Cast-le-Guildo. Paral­lè­le­ment, il émet un Mayday Relay sur le canal 16 pour mobi­li­ser les bateaux éven­tuel­le­ment à la mer dans la zone où couve ce qui pour­rait vite deve­nir un drame. La station SNSM d’Erquy y répond et engage sa vedette, la SNS 201 Côte de Penthièvre. Simul­ta­né­ment, la station de Saint-Cast-le-Guildo mobi­lise aussi sa vedette, la SNS 286 GMF Laplace, tandis que le séma­phore de Saint-Cast confirme tenir le support de plon­gée en visuel, immo­bile.

Ce qui permet d’éta­blir avec certi­tude la zone de recherches. Répon­dant au Mayday Relay, le Age of Union propose aussi son aide, accep­tée, et se déroute. Tandis que le Dawen cherche toujours à se déga­ger de son mouillage, ce sont donc cinq bateaux qui, bien­tôt, vont pouvoir mener les recherches. Prudent, le CROSS entend complé­ter ce dispo­si­tif avec un héli­co­ptère. Indis­po­nible, le Dragon 50 de la Sécu­rité civile décline. À Corsen, l’of­fi­cier de garde engage le Dragon 29, qui accepte mais prévient devoir embarquer une équipe de pompiers plon­geurs ; d’où une arri­vée sur zone forcé­ment tardive. Devenu dispo­nible, Dragon 50 annonce pouvoir être sur zone avant son homo­logue 29. Tous ces échanges par radio sont suivis par un héli­co­ptère Caïman NH90 de la Marine natio­nale, déjà en l’air avec une équipe médi­cale et de puis­sants moyens de recherche, même de nuit. Il est engagé sans délai.

Plongeurs sur une épave
Des plon­geurs près d’une épave de bateau © Pascale Cossin

Après quarante minutes perdues à batailler avec son mouillage, le Dawen signale s’être enfin libéré et faire route vers la palanquée en dérive, quelque part vers le nord. Et la nuit. Et le froid.

À 21 h 38, les SNS 286 et 201, les BLS Émeraude et Erquy sont sur zone. Le CROSS leur assigne un vaste rectangle de recherche. Il s’étend bien au-delà du cap Fréhel. Compte tenu du puis­sant courant, la palanquée doit s’y trou­ver. Quelque part. Commencent alors des recherches en lacets métho­diques.

Expé­ri­men­tés, les trois plon­geurs se retiennent les uns aux autres et palment douce­ment. Règles de base : rester ensemble, ne pas perdre de chaleur corpo­relle. Ponc­tuée d’éclats de nombreux phares ou bouées, des lumières des habi­ta­tions, la côte défile lente­ment, proche mais inat­tei­gnable. Les beau­tés entre­vues de l’épave du Frank­lin, couverte d’ané­mones de mer, comme peinte par un Renoir, riche désor­mais de homards de 70 centi­mètres, de sèches de 40, d’arai­gnées, de tacauds, lieux jaunes, mérous ou congres ne sont plus qu’un souve­nir.

21 h 58. Sur le canal VHF dédié à l’opé­ra­tion, la SNS 201 annonce tenir en visuel des lumières de torches en surface. Une minute plus tard, la SNS 286, dotée de nouvelles jumelles de vision de nuit, confirme et met en avant toute. Une manœuvre qui aurait pu lui faire heur­ter le Dawen, sans feux de signa­li­sa­tion, mais enfin là, proche de ses ouailles.

22 h 04 : les trois plon­geurs sont hissés à bord de la SNS 201. Sauvés. Un pompier du BLS Émeraude passe sur le Dawen pour y soute­nir son skip­per. La mission du Caïman est annu­lée. Quarante minutes plus tard, les trois resca­pés, récu­pé­rés à 3 milles au-delà du cap Fréhel, sont débarqués à Saint-Cast-le-Guildo. L’équipe médi­cale les examine : R.A.S. Leur expé­rience, leurs bonnes combi­nai­sons, leur belle santé les ont proté­gés. Plus l’en­ga­ge­ment d’une impor­tante chaîne de secours, qui les a sauvés. « Sans eux, recon­naî­tra un de leurs proches, ces trois-là y passaient, lais­sant sept orphe­lins. » Trois morts qui, au même endroit, se seraient ajou­tés aux cinquante-et-un du Laplace, qui coula en moins d’un quart d’heure après que les 900 kilos d’ex­plo­sifs d’une vieille mine à dépres­sion oubliée dans la vase se soient déclen­chés, ouvrant une brèche de 20 m dans sa coque.

Nos sauve­teurs sont formés et entraî­nés pour effec­tuer ce type de sauve­tage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !


Équi­pages enga­gés

Vedette de 2e classe SNS 201 Côte de Penthièvre

Patron : Jean Rouxel

Patron suppléant : Nico­las Merad

Équi­piers : Éric Eude, François Guitard, Chris­tophe Pladys, Olivier Raffray, David Saint­cast

Semi-rigide SNS 7–005 Enez Bihan

Patron : Olivier Amice

Sous-patron : Pascal Vérel

Équi­pier : Céline Lejeune

Vedette de 2e classe SNS 286 GMF LAPLACE

Patron : Michel Renouard

Patron suppléant : Philippe Durand

Équi­piers : Joël Bersoult, Éric Fain­treny, Frédé­ric Mertens, Rudolph Urbi­nati


Article rédigé par Patrick Moreau, diffusé dans le maga­zine Sauve­tage n°160 (2ème trimestre 2022)